On parle très peu du ralliement de la gendarmerie. Il a cependant été effectif et a constitué un atout très précieux pour les FFI [Forces françaises de l'Intérieur] de l'Île-de-France. » Cet hommage d'un des principaux artisans de la Libération de Paris, le colonel Rol-Tanguy, conduit à s'interroger sur le rôle des gendarmes dans cet événement historique, alors que la mémoire les a éclipsés au profit des policiers de la Préfecture de police (PP). Cet oubli paraît d'autant plus surprenant que les 6 000 hommes qui composent alors cette force militaire lui confèrent un potentiel notable face aux 20 000 Allemands de la capitale. À quelles unités appartiennent ces gendarmes « parisiens et banlieusards ? Quelles sont leurs actions dans la Résistance et l'insurrection d'août 1944 ? Comment contribuent-ils au rétablissement de la légalité républicaine ? Enfin, quelle mémoire s'est transmise jusqu'à nos jours ? Les archives et les précédentes commémorations apportent de précieux éclairages sur ces aspects méconnus de l'histoire de l'Arme. Début août 1944, une gendarmerie parisienne à l'heure du Gross Paris. Un ordre de bataille remodelé par l'Occupation. Déclarée ville ouverte, dès le 14 juin 1940, Paris subit l'occupation depuis quatre ans. Au-delà de la signalisation en allemand et des drapeaux à croix gammée, cette omniprésence s'affiche dans les lieux réquisitionnés, tels que l'hôtel Majestic, siège du haut commandement militaire allemand en France (Militärbefehlshaber in Frankreich, MBF) ou l'hôtel Meurice, dédié au commandement du Gross Paris. Seuls militaires encore tolérés par l'occupant, les gendarmes ont dû revoir leur organisation 2 . Leur direction s'est repliée à Romagnat, près de Vichy, mais des liens subsistent avec la section gendarmerie des territoires occupés du lieutenant-colonel de gendarmerie Sérignan. Censée être dissoute, la « Mobile » survit en banlieue grâce au camouflage de ses unités au sein de la gendarmerie départementale. La répartition de cette dernière s'articule autour de la caserne rue de Béarn, siège de légion, et de plusieurs brigades dans la capitale et la petite couronne. À Courbevoie, la caserne Charras accueille l'école des officiers de l'Arme, rapatriée de Pau depuis août 1943. Directement rattachée à la PP, la Garde de Paris, qui a perdu son épithète de « républicaine », forme depuis février 1943 une légion de 3 000 hommes répartis dans des points névralgiques de la capitale : Penthièvre, Babylone, Tournon, les Célestins, Schomberg, Monge et Nouvelle-France. Les Allemands s'accaparent la caserne Prince Eugène transformée en forteresse lors du soulèvement. À l'été 1944, le poids de l'occupation est ressenti plus qu'ailleurs du fait des uniformes vert-de-gris présents devant les monuments emblématiques et des miliciens installés à la caserne de Reuilly. Selon un officier, on ne mesure pas assez « combien a été difficile pendant ces quatre années d'occupation le rôle de la gendarmerie et délicate sa situation en regard de l'ennemi toujours prêt (...) à la suspecter et des populations qui n'ont pas toujours saisi l'ingratitude de sa tâche » . Les forces de l'ordre ont été impliquées dans des missions contre les Juifs.